Quand syndicalisme rime avec internement psychiatrique...

samedi 17 février 2007

Chaque jour, la « république » française devient de plus en plus totalitaire et de moins en moins démocrate.
Les médias, pour la plupart, organisent une information de salon, et nous gangrènent l’esprit avec leur malbouffe mentale : mieux vaut en effet nous parler de l’exceptionnelle douceur printanière que de la grève de la faim du syndicaliste et enseignant Roland Veuillet, interné de force dans un hôpital psychiatrique au nom de ses idées.

par Gaëlle Sartre-Doublet

Le silence est tellement assourdissant qu’il est possible que vous n’ayez pas entendu parler de Roland Veuillet, conseiller principal d’éducation et syndicaliste, aujourd’hui extrêmement affaibli par son 56e jour de grève de la faim.

Dès sa nomination en 2000, le proviseur de son lycée, M. Deharo, déclare que son arrivée sera source de difficultés et ne cesse dès lors de demander son départ.

Comment se débarrasser de ce contestataire politique encombrant ?

Un courrier, daté du 5 juin 2001 et émanant du proviseur à destination du recteur Marois laisse présumer de la méthode : après avoir baissé la note du CPE de trois points, Deharo ajoute : « nous pensons même que le rapport de force permet d’envisager une note plus sévère » et « nous proposons que M. Veuillet soit inspecté avant la fin de l’année ».

Droit dans ses bottes, il conclut : « nous pensons nécessaire d’envisager son départ pour trouble de service ».

La grève de 2003 n’améliore pas l’ambiance.

Le fonctionnaire connaît alors de très lourdes sanctions pour ses prises de position.

Il s’oppose en effet au remplacement des surveillants grévistes par des étudiants du lycée.

Le proviseur décide illico sa mise à pied et le fait passer devant le conseil disciplinaire paritaire, qui ne vote ni sanction, ni relaxe, ce qui n’empêche pas le recteur de le muter d’office de Nîmes à Lyon à la rentrée 2003.

Harcelé, l’homme n’est cependant pas du genre à se laisser abattre. Entre août 2003 et décembre 2006, il organise vingt-trois « arbitrairathons », parcourt plus de 16.000 kilomètres durant ses vacances scolaires pour protester contre la répression syndicale et entame une première grève de la faim.

En janvier 2005, le Conseil Supérieur de la Fonction Publique tranche enfin : il évoque des « faits reprochés insuffisamment établis » et affirme en conséquence « qu’aucune sanction ne doit être prononcée » à l’encontre de Roland Veuillet.

Le 17 octobre 2006, le Tribunal Administratif de Lyon renchérit : « Tout ceci nous paraît révéler des attitudes plus que désinvoltes de la part des personnels de direction du lycée Dhuoda et nous sommes d’avis (...) que M. Veuillet a agi avec professionnalisme et dévouement en gérant comme il l’a fait le problème de la surveillance de l’internat dans le double contexte d’une grève des surveillants et d’une indisponibilité, ou d’un absentéisme, des personnels de direction. »

Veuillet demande dès lors sa réintégration à Nîmes.

Le 24 décembre 2006, sans réponse de sa hiérarchie, il entame pour la seconde fois une grève de la faim.

Mais le 14 février 2007, à son 53e jour de grève, c’est le coup de grâce : il est l’objet d’un internement en psychiatrie à l’hôpital Vinatier de Lyon, sur réquisition du préfet !

Las pour cette éminence grise, le médecin chargé d’expertiser Veuillet le trouve parfaitement sain d’esprit et le relâche dès le lendemain...

Soutenu entre autres par le SNES/FSU, la Fédération SUD Education, la CGT et la FNAP-psy qui dénonce depuis un internement abusif, tout le monde attend désormais que Gilles de Robien, ministre de l’Éducation nationale qui refuse depuis deux mois de considérer la situation, fasse son boulot.

Et le plus vite sera le mieux, parce qu’au 56e jour de grève de la faim, les jours de Roland Veuillet sont comptés.

En attendant, seuls les candidats à la présidentielle Olivier Besancenot et José Bové, les journaux nationaux Libération et le Nouvel Obs (par la voix du même co-gréviste Philippe Corcuff d’ailleurs), les syndicats et les collectifs présents sur le net se sont à ce jour préoccupés du combat de Veuillet, au nom de la justice la plus élémentaire.

Dernière heure :

Ne désespérons pas : en ce vendredi 16/02/2007, 20 minutes, journal « gratuit » bien connu des bouches de métro, relaie l’information.

Pour une fois, ne mégotons pas : bravo !

Avec Guy Birenbaum et Ockrent dans son staff, il existe peut-être une chance pour que ce « scoop » effleure les oreilles du ministre...

Dernière heure bis au 18/02/2007 :

Dans un communiqué, Roland Veuillet indique qu’« épuisé à l’extrême, (...) à deux doigts du coma », il a « cessé la grève de la faim sur le conseil de ses amis » mais que « le combat continue ».

Le médiateur de l’Éducation nationale doit rendre ses conclusions lundi...

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